Michel Collon : Comment se défendre face aux manipulations ?

Comment se défendre face aux manipulations?

Que faire? Casser sa télé, cesser de lire le journal? Cela n’empêchera pas la désinformation de continuer ses ravages autour de vous. Comment se défendre alors face à tous ces médias ressassant les mêmes images, les mêmes « informations »?
Nous voulons conclure par quelques propositions concrètes, à différents niveaux, pour les « consommateurs » de médias. Comment repérer et analyser soi-même les manipulations? Est-il possible de réformer les médias actuels? Ou au moins de faire pression sur eux? Peut-on jouer un rôle actif dans l’information en n’étant pas un professionnel? Existe-t-il une presse qui échappe au système dominant?

Une méthode de lecture critique

L’information n’échappe pas aux rapports de force qu’elle prétend décrire. Celui qui lance une information, entend produire un effet. Et notre presse, loin d’être indépendante comme elle l’affirme, est intégrée économiquement et politiquement au camp des riches et des puissants de ce monde. Donc, quand elle diffuse une information, l’attitude logique est de se demander: qui parle, quels intérêts sert-on?
Prendre ses distances est plus facile lorsqu’on relit des articles d’il y a 30 ou 50 ans. Dans les articles d’époque sur les guerres coloniales, sur la guerre d’Algérie ou celle du Viêt-nam, on peut aujourd’hui repérer plus aisément les intérêts économiques inavoués, le racisme, les préjugés idéologiques implicites. Les historiens ont élaboré les méthodes de la « critique historique » qui permet d’évaluer la fiabilité des documents et des témoignages du passé. L’idéal serait de lire un journal actuel avec le même regard, le même recul critique.

Face à toute information, particulièrement venant d’un média se prétendant neutre et non engagé, voici cinq questions fondamentales à se poser:
1. Qui est à l’origine de l’information?
2. Quel intérêt a-t-il en cette affaire?
3. Quelle idéologie influence celui qui parle?
4. Nous communique-t-il correctement le point de vue opposé et sinon où trouver celui-ci?
5. Nous indique-t-il les causes profondes du problème?

Un premier problème, déjà: pressés par la vie quotidienne, nous ne lisons un article ou regardons un journal télévisé qu’une seule fois, et pas toujours avec une attention soutenue. Or, dans la préparation de ce livre, c’est en relisant attentivement les articles, en revisionnant les journaux télévisés, parfois à plusieurs, que nous y avons découvert des manipulations qui nous ont nous-mêmes surpris.
Pour se défendre, il faut prendre le temps. Si nous avalons une info comme une pizza, nous avons toute les chances d’être piégés sans nous en rendre compte. Vous aussi, relisez, revisionnez de temps à autre une information importante qui vous tient à coeur. La liste ci-après pourra vous aider…

En attendant la suivante?
« Le nouvel ordre permet de sélectionner les problèmes en fonction de nos véritables intérêts nationaux… Il ne signifie aucunement que le monde sera plus pacifique ou plus juste. (…) La guerre du Golfe est une première. »
Source: William Quandt, ancien membre du Conseil de sécurité de la Maison-Blanche, Le Figaro, le 9 mars 1991.

« L’Opération « Tempête du désert » préfigure le type de guerre que les forces armées américaines vont sans doute être amenées à faire maintenant. »
Source: Jim Hoagland, journaliste du Washington Post, cité dans L’Humanité, le 11 mars 1991.

Une raison de plus, malheureusement, pour laquelle notre ouvrage a voulu être une sorte de manuel réutilisable.

Comment repérer les « trucs » de manipulation?

En vous appuyant sur des exemples analysés dans ce livre, vous serez frappés de retrouver souvent les mêmes procédés. Un média qui se prétend neutre et apolitique, l’est-il vraiment? Voici quelques critères, non limitatifs, pour vous aider à tester une information…

Les sources. Une ou plusieurs? Témoins directs? Indépendants ou se citant l’un l’autre (en « cascade »)? Identifiées avec précision? Désintéressées? Fiables? Recourt-on à des sources bidon tels « les observateurs » ou « de source autorisée » qui servent souvent à cacher l’avis du journaliste lui-même ou de sa source politique?

La précision. Quant aux lieux, dates et personnes impliquées? Distingue-t-on soigneusement des faits établis ou seulement probables ou possibles?

Les contradictions. Déjà en confrontant certains médias traditionnels, en comparant presse tous publics et presse spécialisée (financière, par exemple), on découvre des contradictions parfois très importantes. Celles-ci fourniront un fil à votre enquête. Interrogez les journalistes sur ces contradictions.

Le débat. Donne-t-on la parole aux thèses opposées? De quelle façon? Quand un doute est présenté, reflète-t-il réellement une opinion différente ou bien à nouveau la thèse générale de l’auteur? Si l’on se présente comme neutre entre deux thèses, cette neutralité est-elle réelle ou apparente?

La confrontation. La presse attaque une personne, un mouvement, un pays? Appelez-les chez eux, au siège de leur mouvement, à l’ambassade ou à une association d’amitié. Ont-ils bien dit ou fait ce qu’on leur prête? Demandez leur point de vue, leur réponse aux accusations. Faites-vous envoyer une documentation.

Les experts. Proviennent-ils tous du même côté? Indique-t-on leurs liens ou intérêts? Cherchez quels experts « dissidents » on a exclu.

La logique. Les déductions sont-elles conséquentes ou inspirées par des a priori? Passe-t-on discrètement d’un sujet à un autre? Y a-t-il amalgame entre des choses sans rapport? Des insinuations non prouvées? Utilise-t-on des syllogismes trompeurs?

Les mots. Précis ou vagues? Emploie-t-on des mots « chargés » visant à neutraliser la réflexion?
Des mots valorisants comme « défense », « modéré », « pragmatique », « monde libre », « coopération »…
Ou des mots dévalorisants: « régime », « terroriste », « extrémiste »…

Les euphémismes. Utilise-t-on des termes complaisants pour minimiser une action scandaleuse ou une responsabilité? Exemples: « dommages collatéraux » au lieu de victimes, « renseignements généraux » au lieu de police politique, « dégraissages » à la place de licenciements, « sous-développement » pour ne pas parler d’exploitation par les multinationales…

Le style. Use-t-on du conditionnel ou de guillemets pour jeter la suspicion sur une affirmation?
Sont-ils ou non réservés à un seul camp? Accentue-t-on l’aspect sentimental pour diminuer la faculté de raisonnement?

Les chiffres. Précis? Vérifiés? A-t-on choisi d’illustrer les aspects essentiels? Les statistiques comparent-elles des choses comparables? Tel graphique change-t-il de sens si on modifie sa présentation, par exemple en espaçant autrement les repères ou en allongeant le dessin dans un sens ou l’autre?

L’histoire. Remonte-t-on jusqu’aux origines des phénomènes? Ou bien limite-t-on la chronologie?
Quels aspects exclut-on de la compréhension? Indique-t-on les causes sociales profondes de tel ou tel événement, les intérêts des diverses classes et couches en présence?

Tous ces procédés manipulatoires ont été analysés de façon très détaillée et concrète dans « Journalisme et mésinformation », livre dans lequel Andreas Freund, qui fut journaliste au New York Times et à l’AFP, a rassemblé les expériences professionnelles de toute une vie. Un livre qu’ignorèrent complètement les médias, oublieux de leurs belles promesses d’après Timisoara. Quant aux mécanismes de la télévision, dans le « Treize heures/Vingt heures, le monde en suspens », Gérard Leblanc a décortiqué de nombreux journaux télévisés des années 1982 à 1986, il en révèle les procédés et esquisse une théorie de l’actualité télévisée. (On trouvera en fin de chapitre quelques lectures recommandées.)

Vérifier toute l’information dépasse évidemment les forces d’un individu ou même d’un groupe. Mais choisir un cas précis, limité, permettra déjà de juger du sérieux et de la fiabilité d’un média. Et de communiquer cette expérience utile autour de soi.
Adopter une attitude générale critique n’implique pas de sombrer dans le révisionnisme comme cette extrême droite qui nie les chambres à gaz. Cela n’implique pas d’écarter les faits qui nous déplaisent. Simplement, il convient de juger à chaque fois si les conditions sont réellement réunies pour se faire une opinion. Pour un progressiste aujourd’hui, la signification historique de la guerre menée par les USA au Viêt-nam est claire. Ce n’était pas le cas pour tous, durant les premières années, en raison de la présentation manipulatrice des médias. Il en est de même pour de nombreux faits historiques importants: la colonisation, les débuts de la résistance 40-45, de la guerre d’Algérie, etc. Ces précédents incitent à la prudence. Savoir qu’il est très difficile de savoir sur base de l’information donnée par les médias dominants, n’est-ce pas un bon début de méthode?

Réformer la presse?

Mais, dira-t-on, un tel manuel d’autodéfense ne verse-t-il pas dans un pessimisme exagéré? N’est-il pas possible de corriger, de réformer la presse?
Nous pensons que non. Comme nous l’avons expliqué plus haut, ce système des médias est imbriqué dans un système économique et politique international, il fonctionne comme une arme essentielle pour maintenir le système capitaliste. On voit donc mal les multinationales renoncer à leur pouvoir sur l’information.
Certes, des solutions aux maux de la presse sont proposées mais quelle serait leur efficacité? Certains parlent de créer un ordre des journalistes ou un conseil national de la presse. Mais il existe déjà des « jurys d’éthique publicitaire », par exemple. Cela revient à faire contrôler la profession par elle-même, c’est-à-dire seulement dans son intérêt qui est de sauvegarder sa crédibilité.
D’autres avancent la solution de l’ombudsman. Jean-Louis Péninou (Libération) « réfléchit à la possibilité de faire appel à un ombudsman dont le rôle serait de veiller à l’exactitude des faits et analyses et d’arbitrer les litiges entre le journal et les lecteurs. Nommé par la rédaction pour une durée déterminée, il serait irrévocable. » (Cité par Robert Ménard, (Reporters sans Frontières) dans « Dossiers de l’audiovisuel », INA, déjà cité, décembre 90). Le système de l’ombudsman existe depuis longtemps au Washington Post. Voyons les résultats. « Créé en 1970, le poste d’ombudsman échut d’abord au rédacteur en chef national de l’époque, Richard Harwood. Bien loin de se montrer un critique indépendant, Harwood plut tellement à la hiérarchie que, lorsque la société du Washington Post racheta le Trenton Times au milieu des années 70, elle lui en confia la direction. Lee & Solomon, analysant les médias américains, constatent au Washington Post autant de fautes déontologiques que chez ses confrères. Ils indiquent que ces fautes sont dues à l’intégration du journal dans l’establishment économique et politique.
C’est là que gît le problème. Qui nommera l’ombudsman? Le journal lui-même? En fonction de quels choix politiques et idéologiques? Les mêmes que ceux qui président à sa ligne rédactionnelle? Alors, c’est le serpent qui se mord la queue!

Peut-on pour autant se désintéresser de ce qu’il advient des grands médias dominants? Non, lutter contre la privatisation est indispensable pour maintenir et renforcer les moyens des radios et télévisions publiques. Sans illusion, car nous avons indiqué qu’une radio ou une TV publique fonctionne également pour légitimer le capitalisme. Mais un statut de service public permet quand même un peu plus de contrôle par le public et laisse un peu plus de liberté à des journalistes progressistes.
Pour maintenir et même développer un service public d’information (y compris une agence de presse nationale), pour garantir le plus possible son indépendance face aux groupes privés, il est juste d’exiger des moyens financiers sérieux, par exemple en renversant l’intégralité des redevances TV là où elles existent. Pour garantir l’indépendance, il conviendrait également d’y supprimer la publicité commerciale: qu’a-t-elle apporté sinon une baisse de la qualité et un renforcement de la pression des multinationales?

Pour une lecture active

Comment contrer les manipulations de l’information? Face aux médiamonopoles, le combat est inégal, mais quand même possible. A condition de sortir du schéma: d’un côté le lecteur passif, subissant l’information, de l’autre le journaliste actif et omnipotent. Des actions sont possibles à différents niveaux: 1. Interventions auprès des journalistes. 2. Critique des médias. 3. Utilisation des médias alternatifs.

Un lobbying progressiste sur les médias? Deux arguments plaident pour une telle action de pression. D’abord, les institutions médiatiques ne sont pas des monolithes et on ne peut mettre tous les journalistes dans le même sac. Certains s’opposent à leur hiérarchie, aux corruptions, aux pressions des pouvoirs et cherchent à faire leur travail honnêtement. Vous pouvez les aider. En leur fournissant des informations ou des documents inédits, en leur indiquant des sources ou des témoins qu’ils ne connaissent pas, en leur adressant des lettres de félicitation pour leurs bons reportages, ce qui les aidera à se défendre contre certains lobbies. D’autre part, les directions des médias dominants sont en tout cas sensibles à leur audimat: même une légère baisse peut entraîner de grosses pertes de recettes. Donc, si elles voient que des informations manipulées provoquent des réactions négatives, qu’on les dénonce publiquement, elles seront peut-être plus prudentes. N’hésitez donc pas à utiliser le courrier des lecteurs, diffusez autour de vous vos lettres de critiques, transmettez des copies à d’autres médias, à des journalistes, à toute personne concernée.
Si vous envoyez des lettres de critique, même à des journalistes que vous estimez, essayez d’être également positif, de proposer une alternative. Indiquez concrètement quelles autres informations le journaliste aurait pu utiliser, quel témoin ou expert était disponible pour aller à contre-courant des préjugés dominants, quelle situation concrète mériterait un reportage, etc.
Il ne s’agit pas d’une méthode miracle. Nous connaissons des personnes qui ont écrit à maintes reprises pour faire rectifier des informations et analyses incorrectes et cela sans aucun résultat. Mais cela aura au moins un effet positif: vous permettre de déterminer quels journalistes sont honnêtes et ouverts à la critique. Pressions sur les médias donc. Mais sans illusions: si un journaliste virait de bord, il aurait de grandes chances d’être licencié…

Organiser la critique des médias

Face au système des médias, à leur emprise croissante sur les esprits, ces réactions individuelles sont indispensables, mais évidemment seule une riposte collective pourra être efficace.
Matériellement déjà: détecter les médiamensonges, les analyser en détail, collecter les informations écartées, retrouver les sources et les témoins alternatifs, mettre les résultats en forme, tout cela demande beaucoup de temps et dépasse les forces d’une seule personne. Il nous a fallu près d’un an pour réaliser ce livre. Il aurait mieux valu qu’il paraisse plus tôt, le plus près possible des événements.
Aussi, nous aimerions lancer un appel à tous ceux qui sont intéressés à collaborer à une telle critique des médias. Il existe de très nombreux moyens d’y participer: noter soigneusement et transmettre telle manipulation relevée dans un média, rassembler des informations inédites sur une question, un secteur, un pays, transmettre des documents peu connus, indiquer des sources alternatives d’information, des experts auprès de qui vérifier tel ou tel point. Voire participer à un groupe préparant la publication d’une analyse critique sur tel ou tel médiamensonge. En rassemblant beaucoup de bonnes volontés, beaucoup de petites contributions, il sera peut-être possible de développer une activité de riposte, capable d’analyser les médiamensonges à venir et de réagir au plus vite. Bref, les tâches ne manquent pas…

Une autre façon de s’informer

Mais, comme on dit, critiquer c’est bien, faire c’est mieux. N’existe-t-il pas des médias apportant l’information qu’on nous cache? Oui, il est possible de s’informer autrement. D’abord, il existe un (petit) nombre de journalistes, travaillant souvent dans des médias de taille moyenne et qui pour des raisons particulières, bénéficient de plus de liberté. Ce livre en a cité un certain nombre. Ainsi, aux USA, Knut Royce, sans disposer d’envoyés spéciaux ou de gros moyens, a dénoncé divers médiamensonges du Golfe: les rapports cachés sur Halabja, le refus opposé en coulisses par Bush aux offres irakiennes de retrait du Koweït, l’enterrement d’adversaires vivants, les photos-satellites qui montraient qu’au moment où elle massacrait des milliers d’Irakiens sur la route de Bassorah, l’armée américaine savait que son adversaire était en déroute et que ce massacre était donc totalement gratuit. Malheureusement, les pressions économiques, publicitaires et politiques déjà évoquées rendent de telles situations précaires. Il n’est donc pas possible de garantir que tel média qui a informé plus honnêtement pendant la guerre du Golfe pourra continuer à le faire.

Mais à côté des médias du circuit commercial, il existe toute une information parallèle: les bulletins et autres publications des groupes de base, comités syndicaux, comités de solidarité, mouvements pacifistes, antiracistes, etc. On y trouve quantité d’information « en direct ». Il existe aussi de petites agences de presse parallèles, des groupes comme Paper Tiger (USA) dont les vidéos alternatives étaient pratiquement les seules à donner sérieusement la parole aux pacifistes durant la guerre du Golfe.

Informez vous-même!
« Les documents, le papier ne constituent pas la seule « source d’information ». Loin de là. Est source d’information ce que vivent les gens. Ceux que, dans leur isolement, les journalistes ne voient pas. Leurs expériences, leurs luttes, leur vie quotidienne, c’est de l’information. De l’information à faire circuler. Il y a un autre « Ordre Mondial de l’Information et des Communications » à inventer. A mettre en place. Aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays du tiers monde. Le téléphone, la télécopie, la photocopie, le courrier sont des instruments de communication à la portée de (presque) tous. Ils peuvent aussi bien véhiculer les mensonges de quelques-uns que les réalités du plus grand nombre. Il ne faut pas être « journaliste » pour informer.
Gérard de Selys, journaliste RTBF, Médiamensonges, Bruxelles, 1991.

Il existe aussi dans certains pays des médias révolutionnaires qui opèrent une critique globale et systématique de l’idéologie dominante, de ses préjugés inconscients, de son racisme diffus, de sa mentalité impérialiste à l’égard du tiers monde. Vu l’importance de l’idéologie inconsciente dans l’information, une telle critique est bien le moyen fondamental permettant de repérer comment ont nous manipule. Sur le plan de l’information, de tels médias révolutionnaires, malgré leurs moyens forcément limités, apportent l’autre voix, celle des oubliés du système des médias: travailleurs des pays industrialisés, minorités opprimées, paysans et salariés exploités dans le tiers monde, militants en lutte.
Evidemment, les idéologues officiels écartent ces médias révolutionnaires d’une étiquette dédaigneuse: « presse engagée ». Mais en réalité toute presse est engagée. Le reconnaître franchement est plus honnête à l’égard du public. Quant à ces idéologues officiels, ces gens qui se disent « neutres et sans idéologie », ils sont engagés dans toutes sortes d’institutions qui leur assurent revenus, notoriété, accès aux médias. De tels privilèges ont une contrepartie: défendre le système capitaliste. Pas étonnant qu’ils aient été, presque tous, complices de cette guerre injuste.

Face à l’information-marchandise, avec son cortège de spectacles artificiels, de mises en scène trompeuses, à grand coups de « stars » et de dépolitisation, face à une information qui se prétend de meilleure qualité, soi-disant neutre et sans parti pris, mais qui légitime tout autant le système capitaliste, consciemment ou non, la seule façon d’échapper à l’encerclement sera une information de type militant: active, critique, en rupture avec l’idéologie dominante. Pour l’idéologie dominante, un « militant » est quelqu’un qui obéit aveuglément à des ordres partisans, abandonnant tout esprit critique. Mais c’est au contraire le système médiatique capitaliste qui tend à former des moutons incapables de penser par eux-mêmes. La véritable liberté intellectuelle consiste à refuser d’avaler ces mythes qui légitiment l’injustice. La véritable liberté sera un nouveau militantisme.
Dans ce monde où les contradictions Nord-Sud ne font que s’aggraver, où l’Europe se prépare à mener, elle aussi, des guerres d’intervention et où le fascisme nous menace à nouveau, l’information sera plus que jamais une bataille. Car le système capitaliste ne pourra résoudre lui-même sa contradiction fondamentale, bien exprimée par Eduardo Galeano dans le texte ci-après. En nous informant, il faudra toujours avoir à l’esprit ce constat d’échec du système capitaliste, cette conclusion du fameux rapport Brundtland: « Il y a aujourd’hui plus de gens sur terre qui souffrent de famine qu’il n’y en a jamais eu dans toute l’histoire de l’humanité et leur nombre s’accroît. »
Source: Rapport Brundtland, Commission mondiale sur le milieu et le développement, Oxford, 1987.

Deux faces d’un même système
« L’histoire du sous-développement de l’Amérique latine est liée à celle du développement du capitalisme mondial. Notre défaite a toujours été la condition implicite de la victoire étrangère: notre richesse a toujours engendré notre pauvreté pour alimenter la prospérité des empires et des gardes-chiourmes autochtones à leur solde (…)
La brèche s’étend. Aux environs de 1850, le niveau de vie des pays riches dans le monde dépassait de 50% celui des pays pauvres. Le développement a accentué encore l’inégalité. (…)
La force globale du système impérialiste repose sur la nécessaire inégalité de ses composantes et cette inégalité atteint des proportions chaque jour plus dramatiques. Par la dynamique d’une disparité grandissante, les pays oppresseurs deviennent toujours plus riches en termes absolus, et beaucoup plus encore en termes relatifs. Le capitalisme central peut s’offrir le luxe de créer ses propres mythes de l’opulence et d’y croire, mais on ne se nourrit pas de mythes, et les pays pauvres, qui constituent le vaste capitalisme périphérique, le savent bien. Le revenu moyen d’un Nord-Américain est sept fois plus élevé que celui d’un Latino-Américain et augmente à un rythme dix fois plus rapide. »
Source: Eduardo Galeano, Les veines ouvertes de l’Amérique Latine, Paris, 1981.

Voir aussi le site de Michel Collon : https://www.investigaction.net/fr

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